J’ai écrit une première version de cet essai au cours du printemps et de l’été 2020 dans le cadre de mon diplôme de Master of Fine Art in Curating au Goldsmiths College, University of London. Bien que ce texte ait depuis fait l’objet d’ajouts et de révisions, j’ai décidé de conserver le présent originel afin de le maintenir ancré dans un moment historique particulier, alors que le temps semblait manifestement interrompu. De cette façon, le futur continue de se mêler au passé. Deux ans et demi plus tard, dans les endroits du monde où l’on a eu le droit d’oublier, où les frontières, les bureaux et les écoles ont pu rouvrir, l’intervalle temporel et social du début de la pandémie évoque un rêve lointain. Il paraît étrangement difficile de se remémorer cette période durant laquelle le bouleversement de la normalité nous a tant fait prendre conscience des constructions sociales que nous prenions pour acquises. Si la vie a depuis largement repris son cours, l’étrangeté d’un temps brisé reste latente, rôdant sous la surface de nos routines retrouvées.

MS
Décembre 2022
Paris, France



DURING THIS TIME WE FEEL OUR EXISTENCE
Pendant ce temps nous ressentons notre existence


En 1993, Jacques Derrida donna une conférence en deux parties intitulée « Specters of Marx: The State of Debt, the Work of Mourning, and the New International » (Spectres de Marx: L’État de la Dette, le Travail du Deuil et la Nouvel International) dans le cadre d’une conférence internationale et multidisciplinaire qui se tenait à l’Université de Californie à Riverside. La conférence traitait de l’avenir du marxisme dans le sillage de l’effondrement du communisme et de l’expansion transnationale du capitalisme de libre échange, marqués par la chute du mur de Berlin et la dissolution de l’Empire Soviétique. Un des concepts développé dans « Spectres de Marx » est celui de l’hantologie, un mot-valise formé à partir du verbe « hanter » et du mot « ontologie » qui désigne l’étude philosophique de l’être, ou de ce qui existe. D’après Derrida, «to haunt does not mean to be present» 1 1 Jacques DERRIDA, Specters of Marx: The State of Debt, the Work of Mourning, and the New International, Routledge, 1993, p. 202 (« hanter ne veut pas dire être présent »), le « présent » signifiant dans ce cas « ici » et « maintenant ». Pour « hanter », il faudrait donc être dénué de présence physique et appartenir soit au passé, soit au futur. L’hantologie adhère ainsi au principe déconstructiviste selon lequel l’existence n’est pas définie par les qualités positives d’une chose donnée, mais plutôt par l’absence ou par la différence qui l’entoure.

Tout au long de Specters of Marx, Derrida cite, récite et analyse une phrase proférée par Hamlet lorsque celui-ci est visité par le fantôme de son père et fait le serment de le venger : « The time is out of joint » 2 2 William SHAKESPEARE, Hamlet, Acte I, Scène V . Lors d’un colloque à l’Université de New York intitulé Deconstruction Is/In America (La Déconstruction est/en Amérique), Derrida revient sur cette phrase, la découd et l’intégre à sa philosophie de la déconstruction à travers une série de contorsions linguistiques caractéristiques. Selon lui, la déconstruction rappelle « le détraquement lui-même, la possibilité de tout détraquement » (« disjointment itself, the possibility of any disjunction » 3 3 Jacques DERRIDA, « The Time is Out of Joint », Deconstruction is/in America: A New Sense of the Political, Anselm Haverkamp, 1995, pp. 14-15 ). En français, disjoncter est synonyme de délirer, de sombrer dans la folie ou de perdre la raison. De la même manière, « out of joint » peut être traduit par « hors de ses gonds ». Nous vivons une époque délirante. Les confinements, la fermeture des bureaux et des écoles ainsi que l’interdiction de voyager ont considérablement ralenti les mouvements de notre quotidien, tandis que les événements et catastrophes mondiales semblent se succéder à un rythme effréné. Alors que nous sommes nombreux·ses à être confiné·es et que s’offre à nous une opportunité ~sans précédent~ de faire le point et de recalibrer le rythme de nos vies quotidiennes, nous nous retrouvons consigné·es à nos appareils électroniques. Nous sommes devenu·es les otages d’un flux d’informations continu qui nous fait subir chaque nouvel évènement désastreux en nous empêchant de détourner le regard. Il nous faut encore produire davantage – du pain au levain, des expositions virtuelles – afin de prouver (à qui ?) que nous n’avons pas perdu notre temps, sans que nous prenions conscience que c’est peut-être le Temps qui se sert de nous. Le moment présent, dans toute sa nullité, est saturé d’une écrasante impression de déjà-vu, comme si les événements historiques du siècle dernier – de la grippe espagnole à la Grande Dépression et la montée du fascisme – et du demi-siècle dernier – le mouvement des droits civiques – n’avaient pas été des incidents isolés mais plutôt les symptômes récurrents de vagues puissantes et cycliques qui bouleversent l’ordre établi, et offrent une courte fenêtre d’opportunités de changement avant de se retirer à nouveau.

« Everything in fact begins, in Hamlet…at the moment when, in an already repetitive fashion, the specter arrives by returning » 4 4 Ibid, p. 19 (« Tout commence, en fait, dans Hamlet… au moment où, d’une façon déjà répétitive, le spectre arrive en revenant »). De la même manière, la date précise de mon confinement m’échappe. Au Royaume-Uni, en l’absence de directives claires de la part du gouvernement, certaines personnes ont commencé à s’isoler volontairement, tandis que d’autres continuaient de s’agglutiner dans les cafés ou de fumer nonchalamment devant les pubs. Si je devais identifier le moment où, pour moi, le temps est sorti de ses gonds, je citerais le 18 mars 2020 : le jour où j’étais censée accueillir l’artiste parisienne Anna Zoria dans mon appartement londonien – un studio une-pièce à Hoxton qui sert aussi d’espace à Maison Touchard 5 5 Co-fondée par la curatrice Clémentine Proby et moi-même dans un logement social de l’est de Londres, Maison Touchard était un espace dédié à l’exploration des aspects domestiques, architecturaux, sociaux et pratiques de la vie quotidienne. - pendant la durée de sa résidence-exposition intitulée Maybe You Waste the Banana, But You Gain the Day (Vous gâchez peut-être la banane, mais vous gagnez la journée).

Capture d’écran de I got up in March and April d’Anna Zoria, 2018, vidéo couleur, 41:11min.  6 6 Curieusement, l’horodatage de certains jours, dont le 18 mars, est désynchronisée par rapport à ce qu’affiche l’horloge dans la vidéo.


Durant cette période de six semaines, Zoria avait l’intention de concevoir une installation vidéo et textuelle examinant la représentation et la marchandisation des tâches domestiques historiquement invisibles ou sous-évaluées, mettant en rapport les pratiques féministes radicales des années 60 et 70, du Manifesto for Maintenance Art! de Mierle Laderman Ukeles (1969) au film précurseur de Chantal Akerman Jeanne Dielman, 23 Quai du Commerce, 1080 Bruxelles (1975), avec le sous-genre contemporain de vlogs YouTube produits par des ménagères coréennes qui accomplissent leurs tâches ménagères devant des millions d’abonné·es (et les monétisent vraisemblablement). Plus généralement, le projet devait explorer l’effondrement des barrières entre les sphères publiques et privées (ou domestiques), accéléré par la technologie actuelle et de plus en plus caractéristique de la vie contemporaine. Plutôt que de présenter les fruits de ses recherches sous forme d’exposition à la fin de sa résidence, Zoria souhaitait abattre ces frontières spatio-temporelles en recevant le public pendant qu’elle dormait, vloggait et travaillait à Maison Touchard. Le public aurait été invité à témoigner et à contribuer à l’évolution de l’installation en participant à un emploi du temps constitué de temps d’échange, d’ateliers et de projections avec des artistes londoniens dont le travail est lui aussi engagé dans une critique du quotidien. Nous avions préparé l’arrivée de Zoria en rendant à la galerie sa fonction première : une pièce de vie au mobilier sommaire avec un matelas king size, une lampe de chevet et un bureau. L’espace d’exposition ne pouvait toutefois apparaître qu’en temps voulu, au fur et à mesure que l’artiste laissait survenir et s’inscrire dans cet espace ses rituels, ses gestes et ses interactions sociales.

Mais le 18 mars, la France ferma ses frontières, Anna Zoria n’arriva jamais et la seule personne à résider dans cette galerie-salon, seule et pour une durée indéterminée, c’était moi. La situation était particulièrement ironique, compte tenu de la nature solitaire de la pratique de Zoria, dont la préoccupation première est de (selon ses propres mots) « ne rien faire » et qui, par extension, s’intéresse au quotidien, au domestique ainsi qu’au travail reproductif et aux rituels qui en découlent. Au fur et à mesure que les jours passaient, l’ironie se mua en étrangeté. En habitant mon appartement, en me mouvant à travers les gestes répétitifs de mon quotidien – manger, cuisiner, me doucher, faire le ménage, procrastiner, dormir – je ne pouvais tout simplement pas me défaire de l’étrange sensation que la pratique de Zoria était en train de se dérouler, par procuration, à travers mes actions. Cette impression était particulièrement palpable dans le salon, où tout demeurait à la fois figé dans le temps, comme dans un état de commencement perpétuel, et hanté par le plus jamais, et pas encore.

***


Dans Ghosts of My Life: Writings on Depression, Hauntology, and Lost Futures, Mark Fisher réexamine le concept d’hantologie dans le contexte du XXIe siècle. Selon Fisher, le démantèlement constant de l’État-providence au Royaume-Uni, la montée du néolibéralisme et le passage à une ère de mondialisation post-Fordiste, d’informatisation et de précarité du travail ont produit une culture contemporaine « hantologique » coincée dans une mode rétro-pastiche, empreinte du désir d’un futur qui n’est jamais arrivé. « Il y a un sentiment croissant que la culture a perdu sa capacité à saisir et à articuler le présent. Ou alors… il se pourrait qu’il n’y ait plus de présent à saisir ni à articuler. » 7 7 Mark FISHER, Ghosts of My Life: Writings on Depression, Hauntology and Lost Futures, zer0 books, 2013, pp. 9-21, notre traduction Selon Fisher, le XXIe siècle est marqué par l’anachronisme et l’inertie : la production s’est accélérée tout en restant « saturée d’un sentiment vague mais persistent du passé, sans rappeler un moment historique précis ». La production culturelle contemporaine est caractérisée par une « mode nostalgique », relevant d’une connexion formelle plutôt que psychologique au passé et dont un des meilleurs exemples serait l’ajout de bruitages sonores propres au vinyle à des productions musicales numériques. Les artistes musicaux associé·es à l’hantologie du début des années 2000 et 2010 partageaient une même préoccupation quant à « la manière dont la mémoire prend forme à travers la technologie », au moment même où Internet et les communications numériques prenaient davantage d’importance dans nos vies toujours plus immatérielles.

Fisher interroge la tendance du postmodernisme à produire une culture du pastiche et de la répétition. Selon Bifo Befardi, la réponse se trouverait du côté de la combinaison du travail précaire et des réseaux numériques, endémiques du néolibéralisme, qui assaillit notre attention. Cette combinaison contribuerait à créer d’un côté les « consommateur·ices » surstimulé·es, trop épuisé·es pour s’engager dans autre chose que des solutions provisoires et familières, et d’un autre les « producteur·ices » - qui comptent sur un retrait généralisé de la sociabilité et des formes pré-existantes – et qui deviennent de plus en plus incapables de s’extraire d’« un cyberespace socialement réseauté, avec ses opportunités incessantes de micro-contact et son déluge de liens YouTube ». Le temps brisé de la pandémie a montré comment cette disjonction est devenue plus forte encore. Dans son essai intitulé « No One is Bored, Everything is Boring » 8 8 Mark FISHER, «No One is Bored, Everything is Boring», Visual Artists Ireland, 2014. https://visualartists.ie/mark-fisher-one-bored-everything-boring (« Personne ne s’ennuie, tout est ennuyeux ») de 2014, Fisher stipulait déjà qu’« à l’intérieur de l’environnement intensif et 24/7 du cyberespace capitaliste, notre cerveau n’a plus le droit à l’oisiveté. À l’inverse, il est inondé d’un flux continu de stimuli basiques ». Une observation effrayante puisque l’ennui, dans toute son accablement affectif, peut aussi conduire à la créativité, au développement et à la révolte.

Cette pensée est partagée par de nombeux·ses critiques de la modernité du XXe siècle qui ont su théoriser l’ennui à travers le prisme de l’industrialisation (nouvelle étape du capitalisme), qui correspond à l’apparition simultanée du temps libre pour la nouvelle classe moyenne et du travail mécanique fastidieux, permettant à l’ennui de devenir un affect répandu. Walter Benjamin considérait par exemple l’ennui comme « une étoffe grise et chaude, décorée à l’intérieur d’une doublure de soie aux couleurs vives et chatoyantes » 9 9 Walter BENJAMIN, The Arcades Project, traduction de Howard Eiland et Kevin McLaughlin, Belknap Press de Harvard University Press, 1999, p.106, notre traduction . Mais il serait également erroné de négliger l’ennui en tant que partie intégrante de l’expérience humaine. Selon le psychanalyste Adam Phillips, la capacité à l’ennui sert une fonction importante de notre développement psychologique. Il défend que l’ennui est « semblable à un état d’attention flottant », en opposition flagrante avec l’état d’attention canalisé en continu qui caractérise nos vies en ligne, surstimulées et surexposées. Ce sentiment irritant permet à tout individu d’appréhender le vide de l’attente et de la recherche de l’inconnu, de cristalliser ses propres désirs et donc de découvrir une certaine perception de lui-même 10 10 Adam PHILLIPS, On Kissing, Tickling, and Being Bored: Essays on the Unexamined Life, Harvard University Press, 1993 .

La théoricienne des médias Tina Kendall s’appuie sur l’essai de Fisher dans une étude révélatrice de la mise en scène genrée de l’ennui par les adolescentes sur les réseaux sociaux. Elle en conclut que « c’est précisément la capacité du sujet à s’ennuyer… qui se trouve érodée à l’ère des réseaux numériques» 11 11 Tina KENDELL, « #BOREDWITHMEG: Gendered boredom and networked media », New Formations, Vol. 93: Memory, Territory, Moods, été 2018, pp. 80-100, notre traduction . La vitesse à laquelle les technologies algorithmiques contemporaines parviennent à capturer et à transformer en marchandise tout engagement des utilisateurs dépasse complètement la conscience humaine, ce qui a pour effet de moduler notre expérience affective avant même que nous en soyons conscient·es. Dans Ghosts, Fisher identifie les appareils technologiques du capitalisme avancé comme étant directement responsables de l’aliénation et de l’épuisement temporel qui empêchent tout engagement culturel significatif avec le présent. L’étude de Kendall suggère que l’avancement poussé de ces technologies semble aujourd’hui dérober complètement notre capacité temporelle, notre aptitude à vivre le temps et à décider, de manière autonome, ce à quoi nous voulons le consacrer.

Phillips définit l’ennui comme « un état d’anticipation suspendu dans lequel les choses sont commencées mais où rien ne démarre » 12 12 Ibid, p. 68 , faisant écho au « plus jamais, et pas encore » du fantôme. Je n’avais jamais envisagé les similitudes entre l’ennuyeux et le hanté : les deux sont, au fond, des déformations ou des déconnexions au sein du temps linéaire et rationnel, qui sont chargées de potentiel. Je suis particulièrement frappée par la profondeur avec laquelle ces deux états résonnent non seulement avec les conditions dans lesquelles je me trouve lorsque j’écris cet essai, mais aussi, de façon intrinsèque, avec la pratique de Zoria. L’œuvre de Zoria renvoie à la « nostalgie formelle » établie par Fisher, comme en témoigne son utilisation récurrente de filtres à l’esthétique VHS sur des images numériques et son appropriation des slogans féministes et anti-capitalistes des années 1960 tels que « le personnel est politique » ou le « ne travaillez jamais » situationniste. Cela n’évoque pas nécessairement, cependant, la mélancolie de futurs perdus. Comme l’ennuyeux ou le spectral, sa pratique est plutôt un exercice visant à intercaler dans le détournement dystopique et accéléré du temps par les forces capitalistes une graine de résistance qui insiste sur les expériences cycliques (émotionnelles, biologiques, spectrales) de son passage.

***


Everything begins before it begins
« Tout commence avant de commencer » 13 13 Jacques DERRIDA, Specters of Marx, 202
— Jacques Derrida

J’ai découvert le travail d’Anna Zoria lors d’une exposition collective de diplômé·es de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. Je venais de rendre mon mémoire de recherche, marquant ainsi la fin d’une année de recherche au cours de laquelle la mémoire et l’espace s’étaient confusément entremêlés. Je m’étais focalisée sur George Perec et Chantal Ackerman, deux artistes issu·es de l’héritage fracturé de la Shoah et tourmenté·es tout au long de leurs vies par un sentiment de déplacement. J’étais intéressée par la manière dont la transmission brisée de mémoires générationnelles semblait donner à ces deux auteur·ices une sensibilité accrue pour les propriétés immatérielles de l’espace, et comment leur attention portée de manière exigeante au quotidien et à l’endotique (par opposition à l’exotique) dans leurs textes et leurs films leur avait permis d’en faire ressortir les énergies, les histoires et le caractère social.

En tentant de s’approprier un sens de l’espace, Perec et Akerman manipulent délibérément le public et son expérience du temps. Perec y parvient à travers l’énumération exhaustive d’objets et des lieux qui l’entourent. Dans Species of Space, il écrit : « the submission to experience is a work of meticulous description» 14 14 Georges PEREC, Species of Spaces and Other Writings, édité par John Strouck, Penguin Books, 2008, p. 132 (« la soumission à l’expérience est un travail de description méticuleuse »). Mais il s’agit également d’une adhérence méticuleuse au texte de Perec, lorsqu’on découvre que l’expérience est acquise au fur et à mesure que l’on lit ses description. Akerman l’exprima peut-être même mieux lors d’une interview de 2004. Interrogée sur le fait que ses films, notoirement lents et qui se focalisent souvent sur des activités domestiques banales, provoquaient l’indignation du public, qui aurait pu tout aussi bien passer deux heures de leur vie dans les embouteillages ou à faire une lessive, Akerman répondit que c’est parce que « pendant ce temps » - le temps de ses films - « nous ressentons notre existence » (« we ‘feel’ our existence » 15 15 Chantal AKERMAN, « In Her Own Time: Miriam Rosen in Conversation with Chantal Akerman », entretien avec Miriam Rosen, Artforum, Avril 2004 ).

Après avoir rendu mon mémoire de recherche, j’ai ressenti le besoin de rendre visite aux tombes de Perec et Akerman au cimetière du Père-Lachaise, par reconnaissance envers le temps que j’avais passé, baignée dans leurs récits et leurs façons de voir le monde, et pour marquer la fin de ce cycle. Je me demande si je n’étais pas guidée par leurs esprits lorsque, dans la cour des Beaux-Arts, je suis tombée sur Showers (2019), l’installation multimédia de Zoria. Mon attention a été immédiatement attirée par un haut mur translucide sur lequel avaient été soigneusement collées quatre-vingt-dix-neuf pages griffonnées. Deux phrases m’ont sauté au yeux : « Nothing Happens » (« rien de se passe ») et « Hyperrealist Everyday » (« hyperréaliste au quotidien »), le titre de l’étude complète des films d’Akerman par Ivone Margulies.

Avant de m’approcher du mur j’ai regardé la longue table devant moi, sur laquelle étaient soigneusement étalés divers produits ménagers. Au centre de la table, un lecteur cassette contenait le travail donnant son titre à l’installation : dix enregistrements de douches effectuées par l’artiste entre le 12 et le 21 juin 2019, accompagnés par la liste des différents podcasts, entretiens et programmes d’information qu’elle écoutait en arrière-plan. À gauche, posés sur un torchon transparent, se trouvaient le réveil de poche de l’artiste, un éphéméride et une boîte en leucite contenant les pages des jours précédents. Entre ces objets-chronomètres (qui suivent l’artiste dans son quotidien et sont récurrentes dans son travail) étaient intercalés des objets associés aux rituels d’hygiène : d’un côté une boîte à pilules Muji remplie de morceaux de bonbons, de résine et de cire, de coton-tiges trempés dans du caramel et une brosse à dents en bois ; de l’autre une carafe d’eau, un visage sculpté en savon et une boîte en papier mâché.

En retournant près du panneau avec les textes, j’y trouvai un amalgame de notes, de listes, de rappels de rendez-vous, ainsi que des citations d’auteur·ices tel·les que Clarice Lispector, Moyra Davey, Robert Filliou et J.G. Ballard. Les documents relataient de différentes façons les expériences qualitatives du passage du temps. Un fragment non-attribué semblait résumer l’installation dans son ensemble : « Myth, ritual, repetition. Represented by our daily rituals. Does not, after all, offer any resistance to the relentless progress of profane time. » (« Mythe, rituel, répétition. Représentées par nos rituels quotidiens. N’offre, malgré tout, pas la moindre résistance contre le progrès implacable du temps profane. »)

Installation. Anna Zoria, Showers, 2019. École nationale supérieure des Beaux-Arts, Paris.


La manière dont sont traités les objets ordinaires amassés dans l’installation de Zoria, proche de la dévotion quasi compulsive, indiquait qu’il y avait des choses que je n’appréciais sans doute pas à leur juste valeur. Showers offrait également un exemple du travail de Zoria qui consiste à recycler des textes et des œuvres déjà utilisées dans des installations aux combinaisons infinies, renforçant l’impression que tout est à la fois intemporel et à propos du temps, mettant par conséquent l’accent sur la manière dont le public aborde l’œuvre, qui est alors déterminée par le temps et l’attention qu’iels choisissent de lui accorder.

Showers comprenait également un diptyque vidéo, Blue Moon Side B et Blue Moon Side A (2019). Projetées sur deux iPads placés côté à côte, les vidéos sont accompagnées d’un filtre qui rajoute un horodatage, des vagues lancinantes et une décoloration jaunâtre qui rappelle les vieilles VHS. Chaque vidéo montre l’artiste allongée sur son lit, écoutant « Blue Moon » d’Elvis Presley sur le même lecteur cassette placé sur la table. Dans Blue Moon Side B, l’artiste est vêtue et positionnée face caméra tandis qu’en sous-titres défile une lettre élégiaque écrite par un ancien amant, rythmée pour accompagner la durée du morceau. Dans Blue Moon Side A, l’artiste est nue et fait face à un mur. Elle bataille un peu avec le lecteur cassette mais la percussion indolente du morceau se fait rapidement entendre et les premières lignes du poème de T.S. Eliot Burnt Norton apparaissent à l’écran. En réexaminant ces vidéos aujourd’hui je suis frappée par la manière dont les mots d’Eliot – qui datent de 1936 – préfigurent ceux de Derrida :

“Time present and time past
Are both perhaps present in time future,
And time future contained in time past.
If all time is eternally present
All time is unredeemable.
What might have been is an abstraction
Remaining a perpetual possibility
Only in a world of speculation.
What might have been and what has been
Point to one end, which is always present.
Footfalls echo in the memory
Down the passage which we did not take
Towards the door we never opened
Into the rose-garden. My words echo
Thus, in your mind.


(Le temps présent, le temps passé
Sont tous les deux peut-être
Présents dans l’avenir
Et l’avenir inclus dans les moments passés.
Si le temps est un éternel présent,
Le temps est à jamais irrémissible.
Ce qui aurait pu être est une abstraction
Et ne reste pour nous un éternel possible
Que dans un monde de spéculation.
Le potentiel et l’échu
Pointent toujours vers un présent unique.
L’écho des pas résonne
Dans le passage jamais pris
Vers la porte jamais ouverte
Qui donne sur la roseraie.
Ainsi mes mots résonnent-ils en vous.)”

Les deux vidéos qui forment The Blue Moon appartiennent à une sous-catégorie dans l’œuvre de Zoria définie par le lieu de leur production : le lit. En mars, avant la date prévue de son arrivée à Londres, Zoria partagea Work Place (titre provisoire, 2016-18), un petit tirage en noir et blanc d’une photo de son lit, accompagné d’un enregistrement cassette de l’artiste parlant de son travail :

Capture d’écran de Blue Moon Side B d’Anna Zoria, 2019, video, colour, sound. 2:56m.


«I was thinking a lot about how I spend a lot of my time and do a lot of my work, which is doing nothing, in bed…it occurred to me that in order to go to the studio and sit and do nothing, I had to keep a job where I had to do a lot of something. And then pay the rent on the studio, and then show up and not do anything. So. Technically I realised, I can get rid of the studio, and I can get rid of the job, and I can carry on doing the same thing. At home. For free. From the comfort of my own bed…So doing nothing at home in bed was equally productive to doing nothing in the studio. For me. And when no ideas came, I considered it to be the best work of all. Just lying in bed. Doing nothing. That was exactly what I wanted. The experience of doing nothing in bed as work.» 16 16 Anna ZORIA et Rhys EDWARDS, Letters from a Residency in Lithuania, Maison Touchard, non publié, pp. 221-227

(« Je pensais souvent au fait que je passe une grande partie de mon temps au lit, à ne rien faire, même quand je travaille… il m’a paru évident qu’afin de pouvoir aller au studio et de ne rien faire, il fallait que je trouve un emploi en faisant quelque chose. Pour ensuite payer le loyer du studio, puis m’y rendre et ne rien faire. Donc, techniquement, je me suis rendue compte que je pouvais me débarrasser du studio, me débarrasser de l’emploi, et continuer à faire la même chose. Chez moi. Gratuitement. Depuis le confort de mon propre lit… Donc ne rien faire au lit chez moi était tout aussi productif que ne rien faire au studio. Pour moi. Et quand aucune idée ne venait, je considérais que c’était le meilleur travail possible. Être juste allongée au lit. Ne rien faire. C’était exactement ce que je voulais. L’expérience de travailler en ne faisant rien, au lit. »)

Le lit, métaphore tangible de l’inactivité, est un lieu temporel où convergent l’action et l’oisiveté. Sa fonction est rattachée à quelques uns de nos cycles biologiques les plus fondamentaux, manifestes uniquement à travers des états inactifs tels que le sommeil, la convalescence ou le repos. De la procréation à la prostitution en passant par l’enfantement, le lit est aussi selon Zoria un lieu de labeur historiquement féminin. Curieusement, malgré ses utilités nombreuses et variées, la durée du temps que l’on passe au lit est fortement encadrée par certaines normes sociales. Passer sa journée au lit impliquerait une maladie, un luxe, une dépression ou une négligence (même aujourd’hui, alors que nos activités professionnelles et sociales ont été reléguées à la sphère domestique). Insister de passer sa journée au lit, sans se soumettre aux attentes de le transformer en bureau mais, au contraire, en transformant le travail de bureau en quelque chose qui relate l’expérience de passer du temps au lit me semble être une réappropriation douce mais rebelle de notre autonomie temporelle, ainsi qu’un acte de sabotage indirect, subtil et insolent  17 17 Le terme « sabotage » trouve ses origines en France, dans l’industrie du textile au XIXème siècle pendant la révolution industrielle, même si son étymologie précise demeure disputée. Une théorie séduisante mais infondée stipule que des tisserand·es mécontent·es, incapables de rivaliser avec la toute nouvelle machine à tisser Jacquard et sous la peur du licenciement, jetaient leurs sabots dans les machines afin de les faire dysfonctionner, ralentissant ainsi la production tout en coûtant cher à leurs employeurs, sans avoir à faire grève et risquer ainsi leurs carrières directement. .

La description de Zoria de Work Place apparaît également dans Letters from a Residency in Lithuania (Lettres d’une résidence en Lituanie), une collection d’échanges vocaux entre Zoria et l’artiste-curateur Rhys Edwards (Vancouver), entre le 1er janvier et le 1er mars 2020 quand Zoria était en résidence au Rupert (un centre d’art et d’éducation à Vilnius en Lithuanie). À la fin de chaque journée, Zoria transcrivait et imprimait les notes vocales, les ajoutant à un mur de textes grandissant qui finit par compter environ deux cents pages, soit l’équivalent de cinquante échanges. La Maison Touchard avait prévu de publier les lettres à l’occasion de Maybe You Waste the Banana, But You Gain the Day, et en l’absence de toute autre chose, je passai de nombreuses journées pendant le confinement à lire et à corriger ces échanges. Travaillant depuis le « lit de Zoria » je devins virtuellement immergée dans le rythme cyclique de leurs pensées et sentiments renvoyant à une période récente durant laquelle l’artiste était elle aussi seule, confinée dans un studio vide.

Il n’était pas prévu que ce projet soit le résultat final de la résidence de Zoria au Rupert. En réalité, elle avait candidaté avec un projet proposant une exploration de Fluxus et George Maciunas dans le contexte de Vilnius, le lieu d’origine de Maciunas, un projet qui n’a jamais abouti (du moins pas de manière explicite – Maciunas et les idée de Fluxus apparaissent cependant dans les échanges). Zoria initia sa correspondance avec Edwards comme moyen de garder une trace de son expérience au Rupert en dehors du travail attendu d’elle en échange de l’allocation d’une période de temps libre et d’espace en isolation. Comme le poème d’Anne Boyer Not Writing (Ne pas écrire), qui est en fait une longue liste de tous les textes et documents que la poète n’écrit pas pendant qu’elle écrit le poème, Zoria s’approprie le dispositif rhétorique de la prétérition (qui consiste à mettre l’accent sur un sujet en prétendant ne pas l’aborder) dans le but de réfuter la hiérarchie et la frontière entre « l’art » et la vie quotidienne, ou celle entre le travail productif et reproductif, s’approchant des pratiques artistiques des féministes radicales susmentionnées comme Mierle Laderman Ukeles. Dans un texte annexe intitulé « What Is ‘Not Writing’? » (Qu’est-ce que « ne pas écrire » ?), Boyer précise :

Not writing is working, and when not working at paid work working at unpaid work like caring for others, and when not at unpaid work like caring, caring also for a human body, and when not caring for a human body many hours, weeks, years, and other measures of time spent caring for the mind in a way like reading or learning and when not reading and learning also making things…and when not reading and learning and working and making and caring and worrying also politics, and when not politics also the kind of medication which is consumption, or sex mostly or drunkenness, cigarettes, drugs, passionate love affairs, cultural products, the internet also, then time spent staring into space that is not a screen, also all the time spent driving, particularly here where it is very long to get anywhere, and then to work and back, to take her to school and back too. There is illness and injury which has produced a great deal of not writing. There is cynicism, disappointment, political outrage, heartbreak, resentment, and realistic thinking which has produced a great deal of not writing… 18 18 Anne BOYER, Garments Against Women, Penguin Books, 2019, pp. 49-45

(« Ne pas écrire c’est travailler, et quand on ne travaille pas à un travail salarié on travaille à un travail non-salarié comme s’occuper des autres, et quand on ne travaille pas à un travail non-salarié comme s’occuper des autres, s’occuper aussi d’un corps humain, et quand on ne s’occupe pas d’un corps humain pendant plusieurs heures, semaines, années, et d’autres mesures du temps passées à s’occuper de l’esprit d’une façon telle que lire ou apprendre et quand on n’est pas occupé à lire ou à apprendre et aussi fabriquer des choses… et quand on n’est pas occupé à lire et à apprendre et à travailler et à fabriquer et à s’occuper des autres et à s’inquiéter et aussi la politique, et aussi quand ce n’est pas la politique le type de médicament qui est consommation, ou surtout le sexe ou l’ébriété, les cigarettes, la drogue, les aventures amoureuses passionnées, les produits culturels, internet également, puis le temps passé à regarder dans le vague qui n’est pas un écran, et aussi tout le temps passé à conduire, en particulier ici où aller n’importe où prend beaucoup de temps, et ensuite aller au travail et rentrer, pour l’amener à l ‘école et la ramener aussi. Il y a des maladies et des blessures qui ont produit beaucoup de non-écriture. Il y a du cynisme, de la déception, de l’indignation politique, des chagrins d’amours, de la rancœur et de la pensée réaliste qui ont produit une quantité considérable de non-écriture… »)

En définitive, même si Letters from a Residency in Lithuania n’est pas, conceptuellement, le travail lui-même, il est devenu le travail, c’est-à-dire la mesure de la production de Zoria au sein de la résidence. Dès l’instant où elle a envoyé sa première note vocale, Zoria a refusé de se plier à l’impératif de production artistique qu’elle remettait déjà en question dans Maybe You Waste the Banana, But You Gain the Day. Les échanges traitent de l’organisation du temps, des tâches ménagères et de l’archivage de la vie quotidienne et couvrent de nombreuses questions existentielles telles que l’angoisse de commencer et d’attendre que les idées surviennent, la procrastination, les questions liées à l’utilité, au gaspillage et à la spiritualité. Il est difficile de faire part de l’éventail des sujets abordés dans cette collection de lettres et de n’énumérer ne serait-ce qu’une fraction des références culturelles, historiques, mathématiques et personnelles qui prolifèrent dans les pensées échangées. Il y a un sentiment de mouvement dans les conversations, mais jamais de sentiment d’arrivée. Des idées sont répétées, ré-évoquées, des livres sont référencés de manière inexacte ; il y a des jours où le flux de pensées est interrompu et dévié par des situations réelles et concrètes telles que la maladie ou la dissolution d’un mariage.

Letters peut aussi être interprété comme l’incarnation d’une certaine nostalgie formelle, car ce projet assume un format épistolaire (une méthode de communication séculaire) mais à travers la technique moderne des notes vocales. Malgré cette touche contemporaine, la correspondance respecte dans une certaine mesure la temporalité discontinue caractéristique de l’épistolaire (de la lettre à l’e-mail), à l’opposé de l’immédiateté du texto ou de la conversation téléphonique. L’épistolaire suit généralement une trajectoire temporelle en zig-zag déconnectée du déroulement linéaire des jours qui se suivent. Envoyer et recevoir des lettres est une forme de voyage dans le temps, le passé se heurtant au futur et vice-versa. Le 17ème jour de Letters correspond à peu près à l’anniversaire de la mort de Mark Fisher. Zoria, pour qui Fisher était alors encore inconnu, a alors ressenti la nécessité d’entamer des recherches à son sujet, et lit dans sa note à Edwards un passage de l’hommage à Fisher publié par le New Yorker : «He was rousing a call to arms that the tiniest event can tear a hole in the great curtain of reaction which has marked the horizons of possibility under capitalism. » 19 19 Hua HSU, « Mark Fisher’s “K-Punk” And The Futures That Have Never Arrived », The New Yorker, 11 décembre 2018. https://www.newyorker.com/books/page-turner/mark-fishers-k-punk-and-the-futures-that-have-never-arrived (« Son cri de ralliement postulait que le plus infime événement peut provoquer une déchirure dans le grand rideau de réaction propre à l’horizon des possibles offerts par le capitalisme ») J’aimerais imaginer qu’à travers chaque pièce, Zoria (ainsi que tous·tes celleux qui sont conscient·e·s de leur experience du temps au moment où iels découvrent son travail) contribue à une constellation croissante de petits trous dans ce rideau. Elle continue dans sa note vocale : « je pense que d’une certaine manière, ne rien faire est une forme de révolte. Ne pas participer peut aussi être une forme de révolte. Ne plus rien ajouter. Donc je pense que je terminerai ma note ici. Bien que j’ai encore tant de choses à dire. Mais je la terminerai ici. »




BIBLIOGRAPHIE

  1. AKERMAN, Chantal, «In Her Own Time: Miriam Rosen in Conversation with Chantal Akerman», entretien avec Miriam Rosen, Artforum, Avril 2004.

  2. BENJAMIN, Walter, Das Passagen-Werk (1927-40), éd. Rolf Tiedemann (Frankfurt am Mein: Suhrkamp, 1982); traduction de Howard Eiland et Kevin McLaughlin, The Arcades Project, Cambridge, Massachusetts, Belknap Press de Harvard University Press, 1999.

  3. BOYER, Anne. Garments Against Women, Londres, Penguin Books, 2019, pp. 49-45.

  4. DERRIDA, Jacques, Specters of Marx: The State of Debt, the Work of Mourning, and the New International, New York, Routledge,1993, p. 202.

  5. DERRIDA, Jacques, «The Time is Out of Joint», Deconstruction is/in America: A New Sense of the Political, ed. Anselm Haverkamp, New York, NYU Press,1995, pp.14-38. (Accédé: 15 août 2020)

  6. FISHER, Mark, Ghosts of My Life: Writings on Depression, Hauntology and Lost Futures, Winchester, Royaume Uni, zer0 books, 2013.

  7. FISHER, Mark, «No One is Bored, Everything is Boring», Visual Artists Ireland, 2014. https://visualartists.ie/mark-fisher-one-bored-everything-boring.

  8. HSU Hua, «Mark Fisher’s “K-Punk” And The Futures That Have Never Arrived», The New Yorker, 11 décembre 2018. https://www.newyorker.com/books/page-turner/mark-fishers-k-punk-and-the-futures-that-have-never-arrived

  9. KENDELL, Tina, «#BOREDWITHMEG: Gendered boredom and networked media», New Formations, Vol. 93: Memory, Territory, Moods, été 2018, pp. 80-100.

  10. PEREC, Georges, Species of Spaces and Other Writings, John Strouck (édité par), Londres, Penguin Books, 2008, p. 132.

  11. PHILLIPS, Adam, On Kissing, Tickling, and Being Bored: Essays on the Unexamined Life, Cambridge, Massachusetts, Harvard University Press, 1993.




    Images fournies par Anna Zoria.

  1. Jacques DERRIDA, Specters of Marx: The State of Debt, the Work of Mourning, and the New International, Routledge, 1993, p. 202  []
  2. William SHAKESPEARE, Hamlet, Acte I, Scène V  []
  3. Jacques DERRIDA, « The Time is Out of Joint », Deconstruction is/in America: A New Sense of the Political, Anselm Haverkamp, 1995, pp. 14-15  []
  4. Ibid, p. 19  []
  5. Co-fondée par la curatrice Clémentine Proby et moi-même dans un logement social de l’est de Londres, Maison Touchard était un espace dédié à l’exploration des aspects domestiques, architecturaux, sociaux et pratiques de la vie quotidienne.  []
  6. Curieusement, l’horodatage de certains jours, dont le 18 mars, est désynchronisée par rapport à ce qu’affiche l’horloge dans la vidéo.  []
  7. Mark FISHER, Ghosts of My Life: Writings on Depression, Hauntology and Lost Futures, zer0 books, 2013, pp. 9-21, notre traduction  []
  8. Mark FISHER, «No One is Bored, Everything is Boring», Visual Artists Ireland, 2014. https://visualartists.ie/mark-fisher-one-bored-everything-boring  []
  9. Walter BENJAMIN, The Arcades Project, traduction de Howard Eiland et Kevin McLaughlin, Belknap Press de Harvard University Press, 1999, p.106, notre traduction  []
  10. Adam PHILLIPS, On Kissing, Tickling, and Being Bored: Essays on the Unexamined Life, Harvard University Press, 1993  []
  11. Tina KENDELL, « #BOREDWITHMEG: Gendered boredom and networked media », New Formations, Vol. 93: Memory, Territory, Moods, été 2018, pp. 80-100, notre traduction  []
  12. Ibid, p. 68  []
  13. Jacques DERRIDA, Specters of Marx, 202  []
  14. Georges PEREC, Species of Spaces and Other Writings, édité par John Strouck, Penguin Books, 2008, p. 132  []
  15. Chantal AKERMAN, « In Her Own Time: Miriam Rosen in Conversation with Chantal Akerman », entretien avec Miriam Rosen, Artforum, Avril 2004  []
  16. Anna ZORIA et Rhys EDWARDS, Letters from a Residency in Lithuania, Maison Touchard, non publié, pp. 221-227  []
  17. Le terme « sabotage » trouve ses origines en France, dans l’industrie du textile au XIXème siècle pendant la révolution industrielle, même si son étymologie précise demeure disputée. Une théorie séduisante mais infondée stipule que des tisserand·es mécontent·es, incapables de rivaliser avec la toute nouvelle machine à tisser Jacquard et sous la peur du licenciement, jetaient leurs sabots dans les machines afin de les faire dysfonctionner, ralentissant ainsi la production tout en coûtant cher à leurs employeurs, sans avoir à faire grève et risquer ainsi leurs carrières directement.  []
  18. Anne BOYER, Garments Against Women, Penguin Books, 2019, pp. 49-45  []
  19. Hua HSU, « Mark Fisher’s “K-Punk” And The Futures That Have Never Arrived », The New Yorker, 11 décembre 2018. https://www.newyorker.com/books/page-turner/mark-fishers-k-punk-and-the-futures-that-have-never-arrived  []